Stephen King enracine souvent ses récits fantastiques dans une réalité familière, décrite à petites touches réalistes. Le lecteur américain est ainsi amené à croire que l'histoire dans laquelle il se plonge est crédible, qu'elle le concerne, qu'elle pourrait lui arriver. Le lecteur européen, quant à lui, apprécie ce dépaysement qui n'en est plus vraiment un, tant les images de la vie américaine sont présentes à la télévision ou au cinéma. Les domaines que l'on peut aborder sont nombreux, et permettent de passer en revue, rapidement, toute une société. Avec Les Enfants du maïs, nous conduisons une Thunderbird et nous sillonnons les routes du Nebraska, bordées d'interminables champs de maïs, nous entrons dans une petite ville typique de "l'Amérique profonde", avec ses "ormes aux troncs poussiéreux", son église baptiste, sa station-service, son "Bar and Grill". Poids lourds nous fait vivre dans une "aire de repos destinée aux camionneurs, près de l'autoroute". Près du distributeur de cigarettes, le juke-box permet d'entendre John Fogarty chanter Born on the Bayou... L'action de Comme une passerelle se déroule à Key Caroline, une de ces célèbres îles au large de la Floride, si prisées des touristes. D'une manière moins anecdotique, au-delà du cadre de vie, ce sont des mentalités et des rapports sociaux que l'on découvre. Les prédicateurs enfants qui hurlent des sermons fanatiques existent bel et bien, et n'ont rien à envier à celui que l'on découvre dans Les Enfants du maïs; quant à la violence des lycéens évoquée dans Cours, Jimmy, cours!, elle est hélas un reflet sinistrement exact de la réalité. Cette dernière nouvelle permet même au lecteur d'assister à l'entretien qui va décider de l'embauche d'un professeur, et rappelle utilement que le système éducatif américain ne recrute pas le personnel enseignant pour en faire des fonctionnaires, mais comme des employés d'une entreprise privée.